mercredi 3 février 2016

extrait d'un travail en cours > la ville est grosse

(pauvre zoo, tout le monde travers, et ce qui a, déjà, eu lieu, comme à travers la buée dans un soupir de Walker Evans) Claude Favre


la ville est grosse de ses gens, de ses voitures à pompes de gaz noxcifères, de ses trams, bus, pompiers, ambulances, hôpitaux, grosse de ses malades, de ses gens sains, grosse de sa merde, caniveaux et trottoirs, plaques de verglas, blancheur immaculé de la neige qui se transforme en boue grise, être grasse, grosse de moi, toi, il, elle, nous, grosse en vergetures, en seins tombants ou saillants au ciel – à la Victoire, il attend, il s'attend, il est beau, il est poivre et sel, cocon de lui, rien ne peut l'atteindre, pas même les balles de fous au nom d'Allah, il est beau et serein, il attend, il attend le ciel, assis à la terrasse - et puis les kilts du pub qui dansent autour de nous et nous servent à boire, à se goinfrer et le mur des écrans télé qui paradent sur le dernier match de rugby, souligné par des applaudissements au plus beau geste et au plus bel élan de la balle en jeu – oui , jouons à boire, à manger, à applaudir la ville, grosse de son flux, tour de Babel où l'on a atteint l'Utopie, celle du langage universel de la consommation, de la consom, de la marchandise et tout ça réjouit sur le moment et puis ça fatigue – le bus m'entraîne vers ma bulle au travers de la nuit, pare-chocs contre pare-chocs et puis ça roule puisqu'on sent les trous dans le bitume, ça secoue les reins et les neurones, avec des cris de "Wah Wah" d'un voyageur qui empuantit, ne plus penser, observer les lumières et le tapage du centre – ville. Tout s'éteint peu à peu pour s'enfoncer dans la nuit noire, pas à pas, pas après pas, retrouver le trottoir crotté ou pas, enfeuillu l'automne, hiver, boursoufflé de trous et plaques de gaz ou de téléphonie, le trottoir pour quitter la ville ou pour dire mieux : se réfugier au dedans de la ville, arrivée chez quelqu'un – ce quelqu'un pourrait être moi, il y a peu, il était un autre – disons chez soi et s'effondrer aux bruissements urbains > urbs ergo sum en plein bastingage et rêver de St Michel et des Capus où le ballet n'en finit jamais de troupes avinées ou droguées, de troupes exotiques et touristiques : clic-clac que de photographier le SDF - d'ailleurs in Sarko land, il n'y en aura plus non plus sur notre sol - promesse de campagne ! rêver, oui rêver du SDF de Nansouty qui a un manteau aussi longue que sa barbe grise et plombée, à la petite fille déguisée de rose wazznounours de la Victoire, de la vieille dame qui, sur le Pont de Pierre, fait avancer une poussette de bébé vide..

2 commentaires: